Arian Manchego est un ouvreur de voies. En collaboration avec d’autres grimpeurs, d’autres ouvreurs de voies tous bénévoles, il défriche les parois, révèle une voie praticable et tout le potentiel d’un lieu propice à l’escalade. Établi au Québec depuis 1999, il a découvert les parois de la région avec Yannick Girard, un alpiniste de talent, ouvreur émérite et grimpeur largement reconnu par la communauté, malheureusement disparu en 2014.
« Il m’a montré des parois de la région ainsi que l’immense potentiel qui existait encore, par exemple au lac Long et au Gros Bonnet. J’avais ouvert quelques voies auparavant, mais avec les années je peux dire que c’est ici au Québec que j’ai fait le plus d’ouvertures. »
Rappel, un ouvreur accomplit sa tâche bénévolement. Arian Manchego affirme que cette occupation est riche, ludique et stimule la créativité : le regard porté sur le rocher est différent, plus large que lors d’une simple session d’escalade. Il faut chercher la logique des lignes, découvrir leur secret tout en restant ouvert à la « folie pure ».
« Durant le nettoyage, j’observe intimement chaque petite fissure et recoin. Durant les repos, je prends du recul et j’admire l’ensemble. Je pige dans mon expérience, dans mes capacités, dans mes espoirs pour amalgamer ça de mon mieux. C’est une façon très riche de grimper et c’est toujours un privilège de passer une journée en pleine nature. »
La sécurité demeure une préoccupation essentielle de l’ouvreur de voie. Non seulement lors du défrichage (éviter les journées les plus fréquentées, privilégier les débuts et fins de saison d’escalade), mais aussi lorsque d’autres grimpeurs viendront pratiquer la voie. Après le dessin et la « création » de la voie, il faut donc s’assurer que toutes les informations essentielles à la sécurité du grimpeur soient correctement communiquées. L’objectif principal est ainsi de donner une information la plus détaillée possible afin que le grimpeur aborde le secteur en confiance. Le travail d’ouvreur est aussi un travail d’orfèvre et de pédagogue.
Mais pas seulement : chaque ouvreur possède un certain style, une « empreinte », dans son approche. Pour Arian Manchego, une nouvelle voie doit à la fois être très bien détaillée, mais aussi laisser assez de surprises pour que le grimpeur soit étonné et satisfait.
« Quand une voie est ouverte, c’est la communication qui devient importante. Mais j’essaie aussi de garder le silence sur les plus beaux aspects d’une voie, par exemple les points de vue ou les beaux passages. Je crois que chaque grimpeur mérite de faire ses propres découvertes. »
Savant mélange de défrichage paysager, de lecture et de construction stratégique, de dessin et de style, l’ouverture de voie requiert un haut degré de compétences techniques, mais aussi de créativité. N’oublions pas que chaque voie ouverte au Québec a été l’œuvre de personnes de l’ombre, de bénévoles qui travaillent régulièrement sans attentes pour que la communauté puisse profiter des magnifiques paysages du Québec.
Auteur : Aurélie Suberchicot