C’est en juillet 1968 que les idées se sont mises à germer dans la tête du Québécois Claude Lavallée, alors alpiniste depuis 15 ans et reconnu notamment pour son expérience comme chef d’équipe de grimpe d’un sommet vierge au Yukon l’année précédente dans le cadre des festivités de Centenaire du Canada.
Il débarquait tout juste de France, où il avait fait partie du premier contingent de l’Office francophone québécois pour la jeunesse comme représentant de la montagne, lorsqu’il a entrepris les démarches pour créer une fédération de montagne, ici, au Québec.
« J’ai eu l’occasion de rencontrer plusieurs intervenants dans le domaine, comme les directeurs de la Fédération française de la montagne et la Gendarmerie nationale à Chamonix. Au Québec, nous étions une bonne trentaine d’années en arrière des Français. Ça m’a donné un élan de créativité et je me suis dit qu’il nous faudrait à nous aussi une fédération de montagne », raconte M. Lavallée.
À l’automne 1968, au mont King, qui est aujourd’hui le parc régional Val-David – Val-Morin, Claude Lavallée a fait la rencontre tant attendue; celle qui allait lui permettre de commencer officiellement les démarches pour créer une fédération provinciale.
« J’ai demandé s’il y avait un certain Gilles Parent. Je ne lui avais jamais parlé et il m’a dit : c’est moi, avec la pipe à la bouche. Je lui ai transmis mon idée de créer une fédération de montagne et il m’a appris que ça faisait un certain temps qu’il y pensait lui aussi. »
Les deux hommes se sont alors associés et ont mis leurs idées en commun. En novembre 1968, ils ont organisé une première réunion, à Drummondville, en compagnie des représentants des six clubs d’escalade du Québec. C’est ainsi que la Fédération de montagne du Québec est née.
« Avec un peu d’insistance de ma part, ils ont tous accepté que je sois nommé président fondateur de la fédération », se souvient M. Lavallée.
Dès le départ, sa vision de la FQME était de rendre la pratique de l’escalade extérieure plus accessible et sécuritaire à tous les initiés et les pratiquants. « Dans ces années, il y avait beaucoup d’accidents stupides, car tout le monde inventait quelque chose et personne ne connaissait vraiment la technique. Même si nous n’étions que 200 grimpeurs au Québec en 1968, il y avait des morts chaque année durant l’été. »
Gilles Parent et Claude Lavallée ont travaillé de concert afin de former des moniteurs qui, dans leur club respectif, contribueraient à multiplier l’engouement de l’escalade au Québec.
« Nous avons commencé à initier et former des jeunes toutes les fins de semaine de l’été. Pendant 8 ans, j’ai eu au-delà de 1500 stagiaires, dont 800 à qui j’ai signé des brevets d’enseignement d’escalade », affirme M. Lavallée.
Le fondateur de la Fédération de montagne du Québec, aujourd’hui appelée Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade (FQME), est fier du leg qu’il a laissé.
« Je suis fier d’avoir formé plusieurs moniteurs qui sont devenus eux-mêmes de grands explorateurs, tels qu’André Laperrière, qui a monté l’Everest, Marc Blais, qui a fait la première ascension du Cap-Trinité au Saguenay, et Normand Lapierre, qui est devenu directeur de l’Alliance des moniteurs de ski du Canada et qui a notamment grimpé en Russie et en Alaska », dit-il.
« Tous mes stagiaires ont eu une plus grande réputation que moi, mais, au moins, j’ai été l’initiateur de la bombe qui a fait exploser l’escalade au Québec. Aujourd’hui, il y a entre 40 000 et 50 000 grimpeurs. »
Malgré l’importance qu’il a eue dans les domaines de l’escalade et de la montagne au Québec, M. Lavallée garde surtout en souvenir l’impact significatif que la grimpe lui a procuré dans sa vie personnelle. Très anxieux de nature, il a commencé cette pratique afin d’augmenter sa sensation de bien-être et décrocher de son quotidien.
« Quand je revenais le dimanche soir à la maison après une fin de semaine de grimpe, j’étais très décontracté. À mon travail, les gens ne me reconnaissaient plus. On me disait : Claude, tu n’es plus le grand nerveux que nous avions vendredi après-midi! Ç’a été très bénéfique pour ma santé et ma longévité. »
Cinq décennies plus tard, Claude Lavallée a confiance que la FQME est entre bonnes mains et pourra continuer à développer ses activités partout dans la province. « Maintenant, avec des gens bourrés d’enthousiasme et de passion, ça m’encourage et je considère que je pourrai mourir heureux de ce qui se passe maintenant. À 87 ans, je peux me permettre de parler ainsi! »