En 2014 le magazine Gripped annonçait en grande pompe que Marieta Akaslki était la cinquième femme au Canada à grimper du 5.14, après l’ascension de Geminis, en Espagne. Les Canadiennes qui grimpent à ce niveau sont peu nombreuses. Annie Chouinard fait partie de ce petit groupe d’athlètes dont on entend peu parler et qui pourtant s’active dans l’ombre avec acharnement.
5.14
Annie Chouinard termine sa saison 2017 de roche par l’enchaînement de Come on, sa première voie en 5.14a à Orford. Annie Chouinard entre donc dans le cercle restreint des ascensions féminines de 5.14 et devient la septième Canadienne à grimper dans ce niveau après qu’Émilie Pellerin ait enchaîné Tom et je ris lors d’un voyage en Europe en 2016. L’automne d’Annie a été chargé de succès avec l’enchaînement d’Ulysse (5.13a) à Baldy, ensuite suivi par celui de Canicule (5.13b/c) à Orford, puis d’Alpha Zeta (5.13d), sa troisième voie de ce niveau après Scorecard à Orford et l’Ami de tout le monde à Céüse, en France. Elle enchaîne ensuite avec la première ascension d’On Fire (5.13a) également à Orford. Elle termine la saison avec la dixième première ascension féminine en 5.13 et plus à Orford avec l’ascension de More Fire (5.13b).
Cavalière reconvertie et sportive passionnée
Vaste terrain de jeu dans lequel Annie s’acharne en toute discrétion, l’athlète possède également un parcours atypique, aussi bien en compétition que du côté de sa trajectoire de vie, marquée par la volonté d’inventer toujours ses propres lignes de fuite. Après un passé marqué par la compétition de niveau international dans la discipline équestre du dressage et de multiples pays parcourus afin de se perfectionner, Annie Chouinard découvre l’alpinisme à la suite d’une blessure qui met un terme à sa carrière de cavalière (plusieurs ascensions à son actif de plus de 5 000 m en Inde, au Népal et en Amérique du Sud). Par la suite survient la découverte de l’escalade de glace, puis celle de l’escalade intérieure et extérieure, trois disciplines dans lesquelles l’athlète s’entraîne puis excelle. 2015 marque sa première saison de compétition à la Coupe Québec durant laquelle elle remporte toutes les épreuves de difficulté, le championnat provincial, ainsi qu’une troisième place aux championnats canadiens à Saanich, en Colombie-Britannique. En 2016 elle participe à trois Coupes du monde de difficulté en Europe (France et Suisse) et à ses premiers Championnats du monde, à Paris-Bercy, en septembre 2016.
Trajectoire diversifiée au niveau sportif, Annie Chouinard sculpte sa vie avec la même conviction. Elle n’a pas hésité à réorienter sa trajectoire universitaire afin de faire coïncider ses aspirations, ses valeurs avec la nécessité de garder du temps pour l’escalade. Possédant une maîtrise en génie environnemental, elle intègre par la suite le Cégep pour une technique en analyses biomédicales. En 2017, après sa formation, elle s’installe à Montréal pour travailler au laboratoire de pathologie de l’hôpital de Verdun. Adepte de l’escalade extérieure, elle s’entraîne aussi beaucoup dans les salles d’escalade intérieures, notamment chez Vertige Escalade à Sherbrooke lorsqu’elle y vivait. Son programme d’entraînement ? Trois séances par semaines d’1h30 à 2h d’escalade, suivie pour deux d’entre elles par 1h à 1h30 d’exercices spécifiques. Accordant autant d’importance à l’escalade qu’aux entraînements spécifiques, elle intègre également des exercices de cardio léger et prévoit toujours 1 ou 2 jours de repos complet par semaine. Son programme change tous les mois et demi, elle travaille par cycle et ralentit beaucoup l’entraînement avant les compétitions ou pendant la saison de roche, histoire d’avoir davantage d’énergie. Elle rejoindra prochainement l’équipe de compétition d’Allez Up et sera leur ambassadrice en 2018 tout en s’entraînant dans différentes salles afin de diversifier les surfaces et les demandes physiques.
Alors que plusieurs femmes marquent les esprits et que leur nom est propulsé sur le devant de la scène médiatique au travers de l’ascension des premiers 5.15 féminins, Annie Chouinard reste discrète dans sa communication. En approchant de la quarantaine, elle démontre que l’obstination et l’effort soutenu autorisent toutes les audaces. L’alpinisme ? Pourquoi pas, lorsque son corps ne lui permettra plus de pousser autant l’escalade de roche.
Bref, où s’arrêtera Annie Chouinard ?
Auteur : Aurélie Suberchicot