Escalade, Glace, Sécurité

Sécurité en glace – les conseils

Ça y est, vous êtes équipé. Vous avez fait une première sortie, avez eu la piqure de l’escalade de glace, vous savez où louer votre équipement ou bien avez décidé d’en acheter et avez pu piocher vos premiers blocs de glace. Vous avez pris de préférence un cours ou avez fait une sortie encadrée et vous souhaitez continuer, vous améliorer, voir peut être un jour, grimper en tête (!).

L’escalade de glace est, ne l’oublions pas, une discipline risquée qui doit être abordée avec des connaissances techniques évidentes et un regard réaliste sur ses capacités physiques,  une lecture de l’environnement et une bonne dose de pratique. Que vous grimpiez en duo ou en groupe, avec des personnes expérimentées ou en premier de cordée, voici quelques conseils de sécurité à lire avant d’entamer vos sorties.  Nous nous concentrons dans le présent article sur les facteurs de risque liés à l’environnement.

No place for ego : rappelez-vous qu’un ’’bon grimpeur est un grimpeur vivant’’ (Don Whillans).

Posez vos questions

En apprenant grâce à des amis d’expérience, vous allez acquérir les bases techniques pour vous attaquer à une paroi. Mais pour acquérir les bases théoriques ou vous perfectionner sur certains points particuliers, prenez rendez-vous dans une école d’escalade reconnue et posez vos questions à des cadres certifiés : quel angle pour insérer les vis dans la glace ? comment faire une lunule (V-thread ou Abalakov) ? Quelle position adopter pour éviter de s’épuiser ? Et si je tombe ? (la réponse ici est : on ne tombe pas en glace). De plus, dans certaines écoles vous aurez l’occasion de côtoyer des personnalités ayant  fait l’histoire de l’escalade au Québec et qui auront à la fois des conseils et des compétences à vous transmettre mais aussi une chronologie ponctuée de riches anecdotes. (ChamoxAttitude Montagne et Passe-Montagne)

Apprenez à ”lire” la glace

Au Québec il n’existe pas d’organisme officiel ou de site web donnant des informations détaillées ou des vidéos permettant de voir la qualité de la glace. Le seul juge responsable d’évaluer sur la glace est praticable…. c’est vous.  Et le seul moyen de développer son bon jugement est de pratiquer et de multiplier les sorties. Idéalement avec un mentor qui vous fera profiter de son expérience. Pour vous aider certains outils existent  : un forum sur  Escalade Québec  donne la parole à  des grimpeurs qui peuvent laisser leurs commentaires sur les sites qu’ils ont grimpé (principe du ‘’crowdsourcing’’). D’autres groupes sur Facebook sont également une bonne ressource pour connaître les conditions d’un site. Plusieurs parois sont sur un territoire appartenant à la SEPAQ : les conditions météo sont généralement indiquées sur le site web de la SEPAQ, et avec elle la courbe de température. Les clubs régionaux constituent également une bonne ressource pour obtenir des informations. Si vous souhaitez vous engager dans une voie sans en connaître les conditions – la coulée ne s’est pas encore formée, glace trop mince, paroi mixte, etc –  il se peut que vous deviez rebrousser chemin.

La courbe de température est un élément essentiel qui, à défaut de garantir la solidité, donne de très bonnes indications sur l’état de la glace. Par exemple, les changements de températures entraînent des tensions mécaniques sur la glace qui se contracte ou se dilate. Il est important d’examiner les températures dans les jours précédent votre sortie afin d’évaluer les risques : des températures au dessus de 0 degrés de manière prolongée y compris la nuit sont défavorables car elles peuvent aboutir au décollement de la paroi. Des températures douces en journée (entre 0 et 5 degrés) et fraiches la nuit sont relativement favorables (glace en ‘’sorbet’’). Vous pensiez que les températures froides étaient les moins problématiques ? C’est tout le contraire : le rafraichissement brutal  rend la glace fragile. Les coups de piolet du grimpeur peuvent aboutir à la création de fissures et les tensions internes de la glace peuvent provoquer son effondrement. Le refroidissement plus lent, étalé sur plusieurs jours sera moins problématique, cependant la glace reste cassante sous les coups de piolets.  Les chutes de pluie sont également un danger puisqu’elles risquent de décrocher la glace de la roche. Mais allez jeter un oeil sur cette infographie de Petzl, elle vaut mille mots.

Pratiquez ! Rien ne remplace la pratique et la prudence dans l’apprentissage de ce nouveau vocabulaire : glace transparente, glace ‘’fat’’(épaisseur et quantité suffisantes de glace où la pose de protections ne devraient pas être un problème), ‘’mince’’ (fine épaisseur qui ne permettra pas la pose de protections à certains endroits),’’plastique’’ (conditions optimales avec une glace à la fois tendre et humide), ‘’sorbet’’ ou ‘’cuite’’ (glace altérée par le réchauffement et la chute de pluie, placements médiocres pour les protections), ‘’cassante’’ (températures froides, glace sèche qui brise de manière explosive). Apprenez aussi à reconnaitre le son de la glace : son creux, grave, piolet qui oscille comme un ressort (bon) ou qui ricoche (pas bon), épaisseurs de glace en millefeuille à ‘’nettoyer’’ pour atteindre la bonne glace et placer une sécurité fiable.

L’orientation de la paroi est également une facteur à prendre en considération, surtout lors de la demi saison. Les parois face sud ont tendance à fondre plus rapidement à cause du soleil. De plus, les vis font fondre la glace sous l’effet des rayons chaud du soleil. Il faut donc porter une attention particulière aux placements de vis et la durée d’utilisation des vis. Exemple, il est bon de mettre de la neige par-dessus les vis d’un relais en moulinette et de vérifier les vis fréquemment.

Même si vous devez rebrousser chemin, vous aurez acquis de l’expérience et des connaissances. Rappelons encore une fois qu’en montagne, il n’y a pas de place pour l’ego, donc partez découvrir, sans pression ni surestimation, essayez et si les conditions sont trop mauvaises, rentrez au chaud.

Embâcles de glace et de frasil

Attention aux ruptures d’embâcles. Il s’agit d’un amoncellement de glace en amont d’une rivière qui obstrue totalement le cours d’eau (embâcle de glace). L’embâcle va soudainement rompre sous la force de la rivière et la crue peut atteindre plusieurs mètres en quelques secondes. Les blocs de glace emportent et broient alors tout sur leur passage, phénomène assez brutal et impressionnant. Pour reconnaître les indices d’embâcles potentielles et connaitre les précautions à prendre, lisez l’article rédigé par Stéphane Lapierre et diffusé en 2014 sur notre site.

Scrutez le ciel

Avant toute sortie, renseignez vous sur les risques de perturbations, les changements de température, les précipitations de neige, le vent, la distance de visibilité, l’ensoleillement. Consultez les agences de météorologie gouvernementales pour de meilleures prévisions (MétéoCanada et NOAA pour les États-Unis) et utilisez éventuellement une montre qui fera à la fois baromètre altimètre et boussole (une dépression se traduit par une baisse de la pression atmosphérique).  En montagne le climat change rapidement, les températures également. Souvenez-vous de cette expérience malheureuse qui a failli se terminer de manière dramatique au Mont Washington pour 4 québécois en 2006. En fonction de ces prévisions, vous pourrez ainsi évaluer la durée de votre sortie, l’équipement nécessaire, modifier le lieu en fonction de la durée de la marche d’approche. Et restez humble !

Sensibilisez vous aux avalanches

En effet, les avalanches ne concernent pas uniquement les skieurs de back country des Chics Chocs ! Les avalanches sont à prendre en compte en escalade de glace car même une petite chute de neige soudaine peut arracher le grimpeur de la paroi. Ici au Québec, elles ont déjà causé la mort de grimpeurs emportés par la vidange de neige d’un couloir ou d’une grosse vire enneigée.  D’autres ont eu de la chance et une grosse frayeur lors d’une marche d’approche au Mont Gros Bras le 25 janvier.

Rappel : une avalanche est un déplacement rapide d’une masse de neige sur une pente, suite à une rupture dans le manteau neigeux.  Le profil du terrain sur lequel vous vous aventurez est un point essentiel à prendre en compte afin de repérer des signes d’instabilité du manteau neigeux : bruits sourds, craquements autour des skis ou des raquettes, vents forts développant des plaques de neige cohésive, chutes de plus de 30 cm de neige en 24h, pluie ou hausse rapide de la température au-dessus de 0 degrés suivie d’une chute des températures et de précipitations de neige, dépôts d’avalanches passées, etc. Les grimpeurs arpentent en général des terrains recouverts de neiges dont la base est glacée. Le combo neige sur glace + pente entre 30 et 60 degrés d’inclinaison est la parfaite formule pour obtenir une avalanche. Un coup de piolet, du vent ou autre chose peut faire décrocher une plaque de neige qui s’accumulait sur une dalle. Si vous êtes en premier de cordée, attention aux sorties de voie et aux dalles. N’oubliez pas de protéger ces endroits lorsqu’il y a de bonne accumulation de neige.

Suivez la courbe des chutes récentes de neige, mais aussi prenez en considération la neige déplacée par le vent et accumulée dans un endroit. Les corridors, les goulottes, zones derrières une obstruction massive, sont tous des endroits où il faut se questionner avant de s’aventurer.

Si vous vous aventurez en arrière pays, prenez le soin de vous équiper d’un matériel de sécurité (DVA, pelles, etc), et envisagez rapidement de prendre un cours d’introduction à la sécurité en avalanches car vous êtes le seul responsable de votre vie et de celle des autres.

Communiquez !

Un principe de base qui aurait permis à un certain Aron Ralston de peut-être garder son bras : prévenez une personne du lieu de votre escapade ainsi que la durée prévue et prenez un moyen de communication avec vous, même sommaire. En l’absence de couverture de réseau, vous pourrez envisager un téléphone satellite, si vous en avez les moyens financiers. Moins dispendieux, le SPOT, dispositif de messagerie GPS par satellite ainsi que le inReach de Delorme disposent de fonctionnalités moins élaborées que celles d’un téléphone satellite mais très utiles si vous avez besoin d’envoyer un SOS ou un message rapide (en vente chez MEC et La Cordée).

Soyez prudent et bonne grimpe !

Article rédigé par Aurélie Suberchicot

 

RÉFÉRENCES:

Will Gadd, ‘’Note to self : how not to fall off ice climbing’

Avalanches Québec

Article du magazine Outside sur les avalanches ”Enter at your own risk”

Résumé de l’étude du Laboratoire de Glaciologie et de Géophysique de l’Environnement de Grenoble

 

Un grand merci à Jean-Philippe Gouin (Chamox) et Serge Alexandre Demers Giroux pour avoir apporté des précisions utiles et contribué à étoffer cet article.

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