Note : Dans cet article, je tenterai de résumer à sa plus simple expression certains aspects anatomiques des multiples articulations de l’épaule qui sont essentiels à une bonne compréhension. Les explications seront loin d’être complètes, mais devraient permettre une certaine compréhension des problématiques explorées ici-bas. Pour en savoir davantage, certains liens internet vers des ressources intéressantes vous seront suggérés à la fin de l’article. Bonne lecture !
La posture néfaste du « dos du grimpeur », abordée précédemment (cliquez ici) engendre des contractures et des faiblesses musculaires pouvant nuire à la mécanique naturelle des mouvements du corps lors de l’escalade. Une de ces régions particulièrement à risque est celle de la ceinture scapulaire, le complexe articulaire le plus mobile du corps humain.
Cette grande mobilité vient toutefois avec le prix d’une grande instabilité, deux facteurs intimement liés qui découlent directement de la structure osseuse et cartilagineuse de l’articulation. L’instabilité articulaire peut toutefois être palliée par un bon équilibre de force et de souplesse entre les différents muscles agissant comme stabilisateurs. Mais ce bon équilibre se trouvera menacé par des postures répétées à l’escalade et un entraînement n’en tenant pas compte !
Le mouvement de la scapula lors de l’élévation du bras
La ceinture scapulaire est composée de la clavicule et de la scapula (omoplate). Ensemble, elles permettent d’augmenter d’environ 60 % l’amplitude de mouvement existante à l’articulation gléno-humérale (l’épaule). Par exemple, si je désire changer une ampoule au-dessus de ma tête, mon bras doit effectuer un arc de cercle d’environ 180 degrés pour amener ma main vers le plafond. De ces 180 degrés, 90 sont produits à l’articulation gléno-humérale, 60 sont produits par la ceinture scapulaire et le reste provient des mouvements de la colonne vertébrale. Lors de l’élévation du bras, l’humérus et la scapula devraient bouger simultanément et non pas l’un après l’autre. C’est ce qu’on appelle le rythme scapulo-huméral.
Cette rotation vers le haut de la scapula (rotation supérieure) aide donc en grande partie à un grimpeur à aller chercher des prises loin au-dessus de sa tête. Mais qu’arrive-t-il si la scapula est figée en place par un muscle trop contracté ? Et si les muscles devant faire bouger la scapula ne sont pas assez forts (ou pas assez activés) pour le faire ?
Les muscles et leur synergie
Afin de créer les mouvements de la scapula, plusieurs muscles stabilisateurs doivent être activés simultanément. Par exemple, pour la rotation supérieure explorée tout à l’heure, le trapèze supérieur, le trapèze inférieur et le dentelé antérieur doivent être impliqués à des moments très précis du mouvement afin d’en maximiser l’amplitude.
Le mouvement inverse à cette rotation supérieure, la rotation inférieure, s’effectue quant à elle grâce à l’élévateur de la scapula, aux muscles rhomboïdes ainsi qu’au petit pectoral.
Les problèmes commencent…
En grimpant, la posture développée a tendance à tirer notre ceinture scapulaire vers le haut et vers l’avant par rapport au corps qui lui est tiré vers l’arrière et vers le bas par l’action de la gravité. De plus, la même posture arrondie est souvent adoptée lors de l’assurage d’un grimpeur.
Cette position à l’épaule place les muscles de la rotation inférieure (élévateur de la scapula et petit pectoral) ainsi que le trapèze supérieur en position raccourcie, ce qui à long terme les mène à rester plus courts. À l’inverse, les muscles à l’origine de la rotation supérieure (trapèze inférieur et dentelé antérieur) ainsi que les rhomboïdes sont désengagés et restent faibles puisqu’ils sont beaucoup moins recrutés lors de la grimpe.
Ainsi, au lieu de tourner graduellement vers le haut lors de l’élévation du bras, la scapula se trouve fixée dans une position élevée (trapèze supérieur et élévateur de la scapula rétractés) et de rotation inférieure (élévateur de la scapula et petit pectoral rétractés). La rotation supérieure est commencée à retardement, alors que l’humérus est déjà bien coincé contre l’acromion, ce qui « pince » la coiffe des rotateurs qui passe entre les deux (pour plus de détails anatomiques sur la coiffe des rotateurs, cliquez ici : l’article du Dr Gelderblom). C’est ce qu’on appelle un syndrome de butée sous-acromiale (« impingement syndrome » en anglais).
Pistes de solutions
À des fins de préventions, je vous offre trois pistes de solutions (à faire simultanément pour des effets maximaux !)
1 : Activer et renforcer les muscles stabilisateurs de la scapula non sollicités par l’escalade. (Dentelé antérieur et trapèze inférieur)
2 : Étirer les muscles qui ont tendance à se raccourcir avec l’escalade. (Petit pectoral, élévateur de la scapula, trapèze supérieur)
3 : Garder une bonne posture au quotidien
Puisque ces trois aspects demanderont eux aussi amplement d’élaboration, ceux-ci seront abordés en détail lors du prochain article sur le « dos du grimpeur ». Au programme : description et explication d’exercices de renforcement et d’assouplissement pour la région de l’épaule, le tout orienté vers une prévention des blessures liées au phénomène complexe du « dos du grimpeur ».
Nicolas Janelle
B.Sc. kinésiologie
Préparateur physique
N.B. Les imageries Anatomie 3D sont publiées avec l’aimable autorisation de l’Université de Lyon I, France.
À regarder :
Muscles et mouvements de la scapula (de 7:12 à 10:11 et de 14:37 à 17:00)
Rythme scapulo-huméral (à partir de 2:39)
Sources :
BORSTAD J.D. & LUDEWIG P.M., The Effect of Long Versus Short Pectoralis Minor Resting Length on Scapular Kinematics in Healthy Individuals, Journal of Orthopaedic & Sports Physical Therapy, 2005.
HA S.M. et al, Effects of scapular upward rotation exercises on alignment of scapula and clavicle and strength of scapular upward rotators in subjects with scapular downward rotation syndrome, Journal of Electromyography and Kinesiology, 2016
Roseborrough, A. & Lebec, M, Differences in Static Scapular Position Between Rock Climbers and a Non-Rock Climber Population, North American Journal of Sports Physical Therapy, 2007
WANG C.H. et al, ”Streching and Strengthening Exercises: Their Effect on Three-Dimensional Scapular Kinematics, Archives of Physical Medicine and Rehabilitation, 1999